Nous vous proposons une traduction en français de l’article de l’avocate américaine Lainey Feingold publié sur son site le 3 novembre 2021. L’article original en anglais est intitulé « Legal Update: Accessibility Overlay Edition« , et est disponible sur son site web lflegal.com. Place à la traduction…
En bref, sur cette page
Cette page est un article à propos des surcouches d’accessibilité web et de la loi. Une surcouche est un type de logiciel qui peut être installé sur un site web. Les entreprises qui vendent des surcouches disent que cela protègera les sociétés qui les utilisent de poursuites judiciaires. Mais des poursuites judiciaires continuent de se produire quand des sociétés utilisent des surcouches. 600 personnes ont signé une déclaration à propos des problèmes que posent ces surcouches. Cet article parlent de 4 développement légaux concernant ces surcouches.
En France, 2 défenseuses de l’accessibilité web ont été poursuivies par une société de surcouche pour avoir publiquement pris la parole concernant les problèmes posés par ces surcouches. Aux États-Unis une société commercialise un outil de surcouche auprès des personnes qui reçoivent des mises en demeure d’avocats. Récemment, un procès a été intenté contre une société utilisant une surcouche. L’affaire a été réglée et le propriétaire du site web a dû rendre son site accessible et dépenser plus d’argent. Disposer d’une surcouche n’empêche pas les procès ou décisions de justice. Ce sont ces 4 sujets qui sont décrits dans cet article.
Ce billet partage 4 développements récents dans l’espace judiciaire à propos des surcouche d’accessibilité web. 3 d’entre elles sont très troublantes. L’une d’entre elles donne l’espoir d’endiguer ces « non-solutions » de correction rapide qui peuvent en réalité rendre les sites web moins utilisables par les personnes handicapées.
Vous découvrez le problème des surcouches ? J’ai d’abord écrit à propos des problèmes importants posés par les surcouches d’accessibilité web dans un article d’août 2020 sur ce même site web intitulé (en anglais, NDLT) « Honor the ADA: Avoid Web Accessibility Quick-Fix Overlays« . Il existe désormais un vaste recueil d’articles et de vidéos expliquant pourquoi les surcouches d’accessibilité web ne tiennent pas les promesses à l’emporte-pièce faites concernant la conformité légale ou la pleine accessibilité. Et pire, dans quelle mesure ces surcouches peuvent en réalité rendre la navigation sur les sites plus difficiles pour les personnes handicapées.
2 bonnes sources rassemblent des ressources sur les surcouches d’accessibilité web :
- Le site Overlay Factsheet (« Fiche d’information sur les surcouches« , NDLT) liste de nombreuses ressources et inclut une déclaration en 4 parties signée par plus de 600 défenseurs de l’accessibilité à travers le monde (moi compris) à propos de la réponse éthique à apporter aux surcouches. [La déclaration signée est dans cette « Factsheet » ici (en anglais, NDLT).]
- Le site (en anglais) Should I Use an Accessibility Overlay (« Dois-je utiliser une surcouche accessibilité« , NDLT) liste de nombreuses ressources et inclut des réponses directes aux questions courantes à propos des surcouches. Le lapin Bugs Bunny du mème qui crie « non » et illustre cet article a été repris (avec permission) depuis ce site web.
Dans cet article
Sautons aux sections suivantes de cet article. Si vous êtes au courant d’activités juridiques en lien avec les surcouches d’accessibilité web qui devraient être incluses dans une prochaine mise à jour, merci de me tenir informée.
- Dans cet article
- Une société française de surcouche attaque en justice des défenseuses pour leur rôle dans la conversation mondiale sur les surcouches
- AccessiBe et Accessus.ai ciblent les propriétaires américains de sites recevant des mises en demeure d’avocats
- L’espoir : une nouvelle preuve qu’une surcouche ne protège pas les entreprises de poursuites judiciaires
Une société française de surcouche attaque en justice des défenseuses pour leur rôle dans la conversation mondiale sur les surcouches
J’ai récemment appris que la société française de surcouche FACIL’iti avait entrepris des actions en justice contre 2 leaders de l’accessibilité ayant pris part à la conversation publique mondiale. Ici aux États-Unis c’est ce que nous appelons des affaires SLAPP. Les initiales signifient « Strategic Lawsuit Against Public Participation » [« Poursuites stratégiques contre la participation publique », NDLT]. On parle aussi de procédures d’intimidation, un procès SLAPP tente d’intimider et de réduire au silence les critiques en misant sur le coût et la peur d’une défense légale, en espérant que les personnes attaquées abandonneront leur critique ou opposition.
En français, une affaire SLAPP est l’équivalent de “poursuites bâillons”. « Les poursuites stratégiques altèrent le débat public » est un rapport détaillé (en français) sur les dangers de ce phénomène et les potentielles réformes en France.
Les 2 actions décrites ici ont les pièges de ce type d’action en justice intenté pour étouffer certaines opinions et certains plaidoyers.
Procès contre la développeuse web française Julie Moynat
J’ai été choquée d’apprendre plus tôt cet automne que la société française de surcouche FACIL’iti attaquait en justice la défenseuse de l’accessibilité web Julie Moynat pour la version française de la diffamation sur la base de sa participation dans le discours mondial concernant les nuisances des surcouches. Ce type de procès est une menace contre les conversations éthiques sur la façon de rendre le Web meilleur en général, et sur le rôle des produits de surcouche en particulier. Il s’agit d’un procès qui devrait fournir un profond sujet d’inquiétude à toute personne qui a à cœur un Web qui fonctionne pour toutes et tous.
FACIL’iti a attaqué Julie Moynat à titre individuel. L’article de Julie « Aide pour mes frais d’avocate dans mon procès contre FACIL’iti » est une bonne explication de l’objet du litige. (Julie ne recherche pas actuellement de contribution pour l’aider au niveau juridique). Cet article expose les commentaires de Julie à propos des sociétés de surcouche et explique l’action en justice comme suit :
Dans cette assignation, FACIL’iti exprime le souhait que le tribunal me condamne pour dénigrement à payer des dommages et intérêts (sans aucune preuve concrète de préjudice financier subi) à hauteur de 5 000€, et m’ordonne de «
Article sur le site de Julie Moynat, La Lutine du Webcesser pour l’avenir tout propos de nature à jeter le discrédit sur la solution FACIL’iti en la dénigrant et ce, sur tout support, et notamment, sur les réseaux sociaux, blogs, sites web, webinars.» FACIL’iti réclame également qu’on me condamne, en plus, à payer 5 500€ «au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile« . Soit, 10 500€ en tout.
Les avocats se sont rencontrés concernant l’affaire début octobre. La prochaine audience est début janvier.
J’ai rencontré Julie Moynat à travers Twitter. Je sais qu’il s’agit d’une contributrice éthique et généreuse dans la conversation internationale sur les surcouches. (Une des choses généreuses qu’elle a faites sans rapport avec les surcouches était de contribuer à la page Global Accessibility Laws sur ce site avec les informations sur la loi et la politique accessibilité en France.)
Comme je le dis souvent dans mes conférences, Twitter est la maison d’une généreuse communauté de l’accessibilité numérique qui ne connaît pas de frontière. Une communauté qui partage un but commun pour un Web inclusif qui fonctionne pour les personnes handicapées. Réduire au silence tout membre de cette communauté comme cette action en justice tente de le faire risque de tous nous réduire au silence.
J’exhorte la communauté internationale de l’accessibilité à parler d’une seule voix contre ce procès et celui décrit ci-dessous, et j’appelle à ce que ces poursuites soient abandonnées immédiatement.
FACIL’iti envoie une « mise en demeure » au cabinet français de conseil en accessibilité web Koena
Julie Moynat n’est pas la seule cible en France de FACIL’iti. Récemment, j’ai découvert que la société française d’accessibilité numérique Koena a également été l’objet d’une action en justice dans le but de réduire au silence les critiques sur les surcouches d’accessibilité web.
Le manifeste de Koena place fermement l’accessibilité numérique dans le monde de la diversité et de l’inclusion. Sa déclaration numéro 3 est :
Permettre aux personnes handicapées de participer à la vie en société est une question de Justice, pas de solidarité. L’inclusion est une condition de l’application de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ».
extrait du Manifeste de Koena
La fondatrice et présidente de Koena Armony Altinier a largement écrit à propos des tentatives juridiques de FACIL’iti pour empêcher l’organisation de prendre part à la conversation mondiale. L’article de Koena “Koena mise en demeure par FACIL’iti” explique à la fois l’action en justice et la position de Koena à propos de l’accessibilité numérique et à propos des limites des surcouches d’accessibilité.
Une action de la part du syndicat professionnel Cinov Numerique soutient l’idée que les manœuvre judiciaires de FACIL’iti sont conçues pour réduire au silence les participants à la conversation publique concernant un enjeu public (inclure les personnes handicapées dans le monde numérique). Cinov Numerique “représente et défend les intérêts des professionnels du numérique« . Le syndicat a voté une “Motion de soutien à la société Koena.” Entre autres choses, la motion demande :
La fin de toutes pratiques relevant, via une mise en demeure, d’une volonté de taire un débat et/ou d’empêcher l’expression d’une opinion, quand ceux-ci sont exercés sans aucune volonté de nuire à un acteur professionnel tiers.
Extrait de la déclaration de Cinov numérique en soutien à Koena
Koena est visée par FACIL’iti en tant qu’entreprise, alors que Julie Moynat subit l’action en justice en tant que particulier. La menace envers une conversation éthique, publique sur l’accessibilité numérique est la même : particuliers et organisations doivent être libres de présenter leurs opinions et de partager des faits à propos de tous les aspects de l’inclusion numérique. Les actions en justice pour réduire au silence les critiques est contraire à l’esprit du Web et à ses objectifs d’inclusion.
AccessiBe et Accessus.ai ciblent les propriétaires américains de sites recevant des mises en demeure d’avocats
Le 19 octobre 2021, une publication en ligne intitulée “Digital Journal” a publié un communiqué de presse distribué par “Marketers Media” avec en gros titre racoleur : “265 000 lettres de mise en demeure sur l’accessibilité des sites web pousse le nouveau programme de Accessus.ai”.
J’ai écrit et pris la parole sur l’éthique de certains avocats agissant dans l’espace judiciaire de l’accessibilité numérique aux États-Unis. Et j’ai écrit à propos de la peur comme un faible levier de motivation pour l’accessibilité (en anglais). J’étais donc curieuse d’en savoir plus sur ce « nouveau programme » découlant d’un nombre aussi important de lettres de mise en demeure (je n’ai toujours pas trouvé d’où venait ce chiffre).
Le communiqué de presse décrit une « Suite de soutien aux contentieux en accessibilité » proposée par Accessus.ai qui comprend ce qui suit :
- Un essai gratuit de 7 jours après installation d’une simple ligne de javascript
- 100% de conformité aux WCAG en moins de 48 heures
- Une déclaration d’accessibilité et un certificat de performance
- Une suggestion de réponse initiale à la lettre de mise en demeure
- Des audits et déclarations mensuels d’accessibilité
- Un outil gratuit d’évaluation de la conformité à l’accessibilité (Accessibility Compliance Evaluation – ACE) pour vérifier le niveau de conformité des sociétés du plaignant
Quelque chose qui promet “100% de conformité aux WCAG en moins de 48 heures” c’est quelque chose qui promet plus qu’elle ne peut, si ce n’est pire. Le profil LinkedIn de Jeff Minderlein, co-fondateur et directeur des opérations de accessus.ai réitère cette affirmation “Conformité ADA~WCAG 2.1 en moins de 48 heures.” Il s’agit d’une affirmation qui semble très similaire à celle d’AccessiBe, l’outil objet d’un rapport très critique de NBC News (en anglais, NDLT) plus tôt cette année.
Mon instinct ne m’a pas trompée. Le 31 octobre je suis allée sur le site de AccessUS.ai et j’ai sélectionné le lien « Procès » en haut de page. Quand j’ai cliqué sur la page (pas sur la vidéo, j’ai juste cliqué quand j’étais sur la page) une voix a commencé à parler, disant : « Bonjour, je suis Ronnie d’AccessiBe, le numéro 1 des solutions de conformité à ADA et aux WCAG complètement automatique. Dans cette vidéo vous apprendrez…«
Je n’ai pas vu de vidéo (ni de sous-titres), j’ai juste entendu la voix, et je n’ai pu arrêter la voix qu’en quittant la page.
Pourquoi mettre ce stratagème marketing dans un article sur une mise à jour légale ? Parce que de nombreux propriétaires de site qui reçoivent des lettres de mise en demeure ne connaissent pas l’accessibilité numérique ni comment rendre leurs sites disponibles pour les personnes handicapées. Les attirer par la ruse dans une relation avec une société de surcouche ayant des défaillances connues n’est pas une bonne solution à une lettre de mise en demeure. (Le site suggère que les personnes recevant ce type de lettre contacte un avocat. Il recommande également « un appel gratuit pour un conseil afin de les mettre en contact avec une société expérimentée dans le domaine de compétence légal de votre plainte ». Ces avocats sont-ils affiliés ou partenaires d’AccessiBe également ?)
Si une entreprise reçoit une mise en demeure à propos d’un site inaccessible, elle devrait consulter un avocat réputé. La « Suite de soutien aux contentieux en accessibilité » de accessus.io ce n’est pas ça.
L’espoir : une nouvelle preuve qu’une surcouche ne protège pas les entreprises de poursuites judiciaires
Les procès français contre des défendeuses de l’accessibilité et les allégations de solution à des lettres de mise en demeure sont éprouvants. Mais il y a une mise à jour optimiste dans le récent règlement du procès contre une société qui pensait que leur surcouche les protègerait.
Il est clair depuis longtemps que les surcouches installées en une ligne de code ne protège par les sociétés de procès pour accessibilité. (le cabinet de conseil Web Usablenet a rapporté que “plus de 250 procès ont été intentés en 2020 contre des sociétés de widgets ou de surcouche se présentant comme une solution d’accessibilité pour leurs sites web.”)
La mise à jour d’aujourd’hui concerne un accord d’octobre 2021 dans une affaire d’accessibilité web contre le vendeur en ligne de lunettes et lentilles de contact Eyebobs. Le site web de Eyebobs utilise la surcouche AccessiBe, ce qui ne les a pas protégé du procès.
La décision est significative parce qu’elle vient après une déclaration détaillée du consultant en accessibilité Karl Groves sur comment et pourquoi l’affaire devrait être instruite malgré l’utilisation de la surcouche par Eyebob.
La décision couvre les « propriétés numériques » de Eyebobs, définies comme étant « le site web, les nouveaux sites et applications mobiles, et sites web et applications mobiles acquis par la suite » par Eyebob. (les surcouches ne prétendent même pas rendre les applications mobiles accessibles). Elle couvre plusieurs aspects d’un programme accessibilité et requiert le paiement nominal du plaignant en plus des frais du plaignant. (un article détaillé du défenseur de l’accessibilité Sheri Byrne-Haber analysant la décision est donnée via un lien ci-dessous.)
Je considère la décision sur Eyebobs comme positive parce que j’ESÈPRE qu’en partageant de l’information sur cette affaire, davantage de propriétaires de sites reconnaîtront que le chemin vers l’inclusion numérique ne consiste pas en une seule ligne de code en échange de frais de licence. Imaginez tout l’argent qui est allé dans ce combat puis dans le règlement du litige et qui aurait pu être dépensé pour corriger les barrières et mettre en œuvre l’accessibilité.
(S’affronter dans un procès n’est pas la seule stratégie quand on fait face à des plaintes concernant des barrières d’accessibilité. Mon livre, Structured Negotiation, a Winning Alternative to Lawsuits partage des histoires et stratégies qui ont fonctionné avec la communauté des personnes handicapées sur l’accessibilité numérique SANS aucun procès du tout. La seconde édition du livre vient d’être publiée, avec encore plus de stratégies gagnant-gagnant, y compris des exemples d’utilisation de cette stratégie dans une affaire instruite.)
Information et documents à propos de l’affaire Eyebobs
- Settlement agreement in the Eyebobs digital accessibility case
- Court complaint against Eyebobs. L’une des allégations dans la plainte disponible publiquement est : “Le défendeur a installé une surcouche low cost sur sa plateforme numérique développée par une société appelée accessiBe. accessiBe affirme que cette surcouche peut automatiquement rendre un site web conforme avec ADA en résolvant les problèmes d’accessibilité sous-jacents. Malheureusement, la surcouche échoue à fournir aux utilisateurs de lecteurs d’écran, Murphy compris, un accès plein et égal à la plateforme numérique.”
- Déclaration de l’expert accessibilité Karl Groves en soutien à la position du plaignant sur les surcouches(en anglais, NDLT).
- Excellent article de l’expert accessibilité Sheri Byrne-Haber (en anglais, NDLT) résumant la décision Eyebobs avec un accent porté sur la façon dont les termes de la décision ébranle les affirmations selon lesquelles une surcouche peut rendre un site web accessible et protéger des poursuites en justice.
Je continuerai à suivre la saga des surcouches tant qu’elle se joue sur le terrain judiciaire à travers la planète. J’attends avec impatience plus de rapports optimistes et moins d’histoires de poursuites intentées pour réprimer les défenseurs de l’accessibilité et l’élan mondial pour un monde numérique inclusif.
- Texte original en anglais : Lainey Feingold
- Date de publication de l’article original en anglais : 03 novembre 2021.
- Traduction en français : Armony Altinier
- Date de publication de la traduction en français : 12 novembre 2021.
Des certifications d’accessibilite d’un site, ou labels, accordees par un tiers de confiance, existent dans plusieurs pays. Etant en dehors des processus de certification normalises usuels, elles reposent sur Ces certifications sont etablies a partir d’un audit initial des contenus. Accordees pour une duree de deux ans en general, elles comportent des visites de controles et exigent le plus souvent la mise en place d’un canal de plainte. Elles n’imposent pas d’obligation de moyens et ne valident que le resultat en ligne.