Focus sur le séminaire AccessiWeb ou quand l’accessibilité numérique est inaccessible

Photo d'un désert

Le 17 octobre 2017 eu lieu le 24e séminaire AccessiWeb organisé par BrailleNet à la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris.

BrailleNet est une association qui se donne pour mission de «faciliter l’accès des personnes handicapées à la culture, à l’éducation, à l’emploi et à la citoyenneté, par la recherche, le développement et la promotion de solutions innovantes mettant en œuvre les technologies de l’information et de la communication».  Dans ce cadre, Accessiweb constitue le pôle « accessibilité du Web » de l’association BrailleNet et propose des prestations basées sur un environnement méthodologique et technique pour rendre les services numériques accessibles.

Il s’agissait dans ce séminaire de faire le point sur l’évolution des normes et règlements en 2017 pour l’accessibilité du Web.

Alors vous allez me dire : certainement, mais de quoi parles-tu Rachel ? Je ne comprends rien. Prenons une inspiration et revenons en arrière.

Pour resituer le contexte, je suis assistante chez Koena depuis 5 mois et j’ai découvert le monde de l’accessibilité numérique grâce à Armony Altinier. En effet, plus à l’aise sur le domaine du social et associatif, j’ai diverses expériences dans ces domaines-ci. Je souhaitais donc m’aventurer dans ce séminaire AccessiWeb affiché « ouvert à tous » afin d’en apprendre plus sur le monde du numérique et bien évidement sur l’accessibilité numérique. Armony m’avait pourtant prévenue. Le fossé allait être grand entre mes attentes et ce que j’allais découvrir lors de ce séminaire. Si je m’attendais à cela ?

Du fait de la complexité technique du domaine, cet événement m’interroge sur la destinée de l’accessibilité numérique. Alors que l’accessibilité numérique devrait être l’affaire de tous, ce sujet est-il condamné à rester une énigme pour chacun d’entre nous ? Sera-t-il toujours un domaine « d’expert » ?

Je vous propose d’aborder ce que ce séminaire AccessiWeb m’a appris sur ce monde que j’apprivoise chaque jour grâce à Koena. Un sentiment de malaise m’a envahi avec une question qui submerge sur la place des personnes concernées par l’accessibilité numérique dans un environnement aussi technique et complexe.

Mais où suis-je ?

Mais où suis-je ? C’est bel et bien la question que je me suis posée quand je suis arrivée à ce séminaire. Plus précisément, la question se pose à la fois au regard des expressions et attitudes employées et à la fois sur le fond des sujets abordés.

Sur la forme du  séminaire AccessiWeb : non-expert s’abstenir

La première partie proposée par ce séminaire AccessiWeb était plus ou moins accessible, il faut le dire. Et d’ailleurs, cela commençait très mal pour moi.

La matinée se déroule en 4 temps. Le premier temps se consacre aux nouveautés 2017 pour le RGAA. Deuxièmement, on aborde les différents guides utiles sur l’accessibilité numérique. Puis une partie sur le droit et enfin une partie ouverte où chacun pouvait présenter un projet.

Le tout début du séminaire présentait les nouveautés 2017 pour le RGAA 3 dans un langage propre à tout développeur qui se respecte, mais plus compliqué quand vous n’avez jamais fait de code. Une fois cette première présentation terminée et que l’on nous a posé LA question, très ouverte comme vous pouvez le constater : “je ne sais pas s’il y a tant de questions. J’imagine que non ?” Je me suis sentie dans la peau de Penny dans The Big Bang Theory.

Oui évidement, j’en ai une “Pourriez-vous répéter dans un langage “non expert » ? « . Il faut savoir que les mots “on est un public d’experts” ont été dits plusieurs fois pendant le séminaire. Mais qu’est-ce que ça signifie ? De quelle expertise parle-t-on ? Y aurait-il une carte « expert » à détenir pour pouvoir participer ? Ce n’était pas mentionné…

Comme je le disais au début, la dernière partie de la matinée portait sur les projets que chacun pouvait présenter. Un certain Aurélien présente le projet Google Access Object Model. Malheureusement pour moi, qui ne suis pas encore une « experte », je ne pourrais vous dire qui est cette personne. Une chose est sûre, la présentation de ce projet s’aborde a encore une fois dans un langage que je qualifierai de peu accessible.

Nous voici l’après-midi. Cette partie du séminaire se déroule en 3 temps. Le premier temps se consacre à la présentation de WCAG 2.1, ARIA 1.1 et ARIA 1.2 et une deuxième partie sur le projet COMPARE. À la fin, nous avons eu l’occasion de donner notre avis sur les enjeux de l’accessibilité numérique.

Like i said previously, the second part of the seminar was structured in three times. First, a person informed us about WCAG 2.1 and ARIA 1.2 and 1.1. Quoi ? On ne vous a pas prévenu ? Eh oui, surprise… La première partie de l’après-midi est en anglais. Mais Olivier Nourry est là pour nous rassurer “c’est pas grave, vous avez l’habitude de ce langage”, faisant référence aux tournures des WCAG et d’ARIA.

Je tiens à vous informer que non, pour ma part.

J’imagine bien que ce n’est pas de la faute de la personne réalisant cette présentation. Ce que j’ai pu retenir de cette présentation : nothing, rien… le désert quoi.

Pour finir, il y a possibilité d’aller télécharger les supports de présentation via le site internet de BrailleNet. J’aurais bien voulu, mais certains contenus ne sont pas téléchargeables de manière simple. Heureusement, Armony est là pour m’apprendre comment faire.

Plusieurs éléments s’analysent ici. On voit que ce séminaire à première vue ouvert à tous, devient au fur et à mesure ouvert aux « experts » et au-delà, à un petit cercle d’initiés.

Sur le fond : des pré-requis non annoncés

Revenons en arrière et discutons des présentations.

Ce qui n’était pas à ma portée

Ce que j’ai retenu de la toute première présentation est que la version 2017 du RGAA 3 rajoute des tests au niveau de certains critères (critères qui doivent être respectés pour que le contenu numérique soit accessible). Il s’agit notamment des critères 7.1, 3.3 et 3.4. Le référentiel supprime et/ou précise aussi des tests au niveau de certains critères. Il est à noter que les mises à jour liées au RGAA 3.2017 ne sont que des ajouts de tests, il n’y a donc pas d’obligation de renouveler sa conformité aux normes si vous étiez déjà conformes aux critères.

Alors peut-être vous demandez-vous ce qu’est le RGAA ? Une mise en contexte serait bienvenue me direz-vous. Eh bien, vous avez raison. Comme je vous le disais en introduction, je travaille chez Koena et c’est un sujet que je commence à bien connaître et c’est avec plaisir que je vais faire cette petite parenthèse.

Le RGAA est le référentiel général d’accessibilité pour les administrations. Pour vulgariser cela, il s’agit du mode d’emploi technique du parfait petit développeur ou de créateur de contenu pour rendre accessible aux personnes handicapées les contenus numériques. Cependant, le numérique évolue rapidement et c’est donc logique que le mode d’emploi soit aussi revu. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui sur la version 2017 du RGAA 3.

La dernière partie de la matinée se consacre à la présentation de nouveaux projets. En premier lieu, on nous présente un service open source réalisé par Orange appelé Orange Confort Plus. En second, le projet OSAI dont Orange fait partie et en dernier le projet Google Access Object Model.

Sur ces trois projets abordés, seul le premier était compréhensible pour moi. En effet, pour comprendre ce qu’était le second élément abordé par Orange “OSAI”, il m’a fallu faire des recherches et enfin relire mes notes.

Pour information et suite à mes recherches, OSAI veut dire Open Source Accessibility Initiative. C’est une initiative qui se crée en 2016 pour construire des synergies entre les membres de ce mouvement et la communauté au sens large autour de solutions numériques ouvertes et conformes à l’accessibilité numérique.

En effet, de manière générale il n’y a jamais eu de mise en contexte dans toutes les présentations ou du moins la définition des acronymes abordés. Pourtant, il s’agit d’une bonne pratique d’accessibilité présente dans la norme et dans les règles du FALC (facile à lire et à comprendre).  Si vous voulez connaître des règles de bonnes pratiques pour des présentations inclusives, je vous invite à aller voir cet article de blog  à la partie « Et l’accessibilité à POSS, alors? « .

Ce que j’ai apprécié

Je dois bien avouer, en revanche, que la présentation du service Orange Confort Plus était dans un bon esprit. Ça fait du bien ! J’ai apprécié le fait qu’ils ne considèrent pas leur outil comme la réponse à l’accessibilité numérique, mais plutôt comme un outil permettant de comprendre l’intérêt de l’accessibilité. Une démarche humble, dans un langage clair, enfin !

Yann Olive et Audrey Maniez présenten la deuxième partie du matin, sur les guides utiles. Cette partie m’a paru plus claire que la toute première partie du séminaire AccessiWeb. Audrey Maniez a su expliquer de manière simple les guides et outils. Cette partie m’avait redonné espoir pour la suite du séminaire.

Enfin, le projet COMPARE présenté par Alex Bernier de BrailleNet était également clair. D’ailleurs je peux vous en dire deux mots.

Le projet COMPARE

Le projet COMPARE signifie Comparing Peer Accessbility Ratings in Evaluation. Il s’agit d’un projet ERASMUS+ dont Braillenet est partenaire. C’est un projet de 2 ans ayant commencé en janvier 2017.

Ce projet part d’un constat :  les méthodes d’évaluation de la conformité varient en Europe et conduisent à des pratiques et des interprétations différentes.

L’objectif de COMPARE est donc d’avoir une plateforme où permettre le débat entre experts sur l’accessibilité de composants et d’aboutir à un consensus si possible.  Cela permettra également d’avoir des supports à la formation sur de réels cas pratiques.

Concrètement, il s’agit d’une plateforme collaborative où les experts peuvent envoyer des aperçus de sites web, applications ou autres non conformes aux règles d’accessibilité. Les experts argumentent sur le pourquoi de la non-conformité et de quels critères il s’agit.

À ce point du récit de mon aventure au séminaire AccessiWeb, nous pouvons relever 2 éléments. Le premier est que certains éléments ne peuvent pas être vulgarisés, il y a tout de même une partie technique que seuls les développeurs peuvent comprendre. En revanche, une mise en contexte et des définitions d’acronyme auraient été appréciées.

Je vais vous parler d’un monde que les « non-experts » ne peuvent pas connaître…

 Un débat interne au microcosme

C’est la fin du séminaire AccessiWeb. Et pour clore celui-ci, on nous propose de nous exprimer sur les principaux freins en France dans la mise en œuvre de l’accessibilité numérique.

Pour résumer, il y avait des discours différents et des avis divergents dans la salle. Je dirais même plus ! 2 camps s’opposaient. Olivier Nourry a d’ailleurs fait le distinguo lui-même, il y a les « offreurs » et les « demandeurs » de services.

D’un côté, les offreurs de services

Ils estiment que le coût s’élèvent pour les petites structures. Les petites structures ne s’embêtent pas à rendre accessibles leurs sites aux personnes handicapées puisqu’elles ne se plaignent pas. On évoque aussi que la formation en accessibilité numérique ne peut pas s’enseigner en tant que telle à des développeurs. Ce serait comme leur apprendre la sécurité (c’est trop compliqué). L’accessibilité est un domaine à part entière (un domaine d’expert ?). Et qui plus est, quand il y a des formations en accessibilité numérique à destination du secteur public par exemple, personne n’y va.

Concernant la formation, je pense qu’elle doit s’adresser à tout type de personnes créant du contenu et pas seulement pour le secteur public. Chez Koena, nous réalisons des formations adaptées au profil de chacun, entre 2 et 5 jours. Et inutile d’être expert pour les suivre 😉.

De l’autre, les demandeurs de services

Les « demandeurs de services » évoquent plusieurs problèmes. Il y a un manque de communication et de formation auprès des personnes en charge de la création de contenu numérique. On évoque également le coût élevé pour rendre accessible un site. Selon « les demandeurs de service », ces deux problèmes sont étroitement liés. Il y aurait moins de questions d’expertise si les développeurs sont formés et par conséquent le coût d’accessibilité serait plus abordable. On aborde aussi la question de la sanction. Elle s’inscrit dans la loi, mais elle n’a pas encore été appliquée.

Mais où sont les personnes handicapées ?

Et vous me direz : et toi ? Ton avis dans tout ça ?

Eh bien, j’ai pu remarquer que lorsque Olivier Nourry pose la question « qui est-ce qui se sent du côté des demandeurs de service ? Et des offreurs de services ? », il y avait une large représentation d’offreurs de services et très peu de demandeurs. Il y avait 3 demandeurs sur 36 offreurs.

Ce constat soulève déjà un problème : le séminaire AccessiWeb, bien qu’il soit affiché « ouvert à tous », ne fait pas émulation auprès des personnes qui sont les plus concernées. C’est-à-dire les potentiels demandeurs (les organismes du secteur public, les personnes créant du contenu, mais aussi les personnes handicapées).

De tous les constats qui ont été faits, il y a une idée majeure qui en ressort. Elle n’a pas été réellement évoquée en tant que telle. C’est bel et bien le fait que l’accessibilité numérique reste encore un gros mot pour grand nombre d’entre nous. Il y a un manque essentiel de communication sur le sujet, que ce soit auprès des organismes concernés par la loi, mais aussi auprès des développeurs et autres personnes créatrices de contenus. Il a été aussi abordé l’idée que pour certains graphistes l’accessibilité et l’esthétique sont incompatibles. C’est évidemment faux et montre l’enjeu de pédagogie à faire encore et toujours.

Et encore plus grave que cela, la plupart des personnes handicapées ou même les associations de défenseurs de droits des personnes handicapées ne savent même pas que l’accessibilité numérique existe. Elles sont démunies face à ce problème : les sites internet ne sont pas accessibles, mais qui sont les interlocuteurs ?

L’objectif est là selon moi, pouvoir démocratiser l’accessibilité numérique.  Chez Koena, nous œuvrons chaque jour en ce sens.

Il y a aussi la loi qui est mise en jeu dans la problématique de l’accessibilité numérique. Elle n’est pas applicable en l ‘état. Ce qui fait que certains organismes ne considèrent pas l’accessibilité numérique comme une priorité. La sanction est une bonne chose et va peut-être faire évoluer les mentalités. Il reste à voir dans quelle mesure elle sera réalisée.

Il me paraît aussi essentiel de former toutes personnes créatrices de contenus. C’est prendre le problème à la source et c’est comme cela qu’il sera en partie résolu.

Pour conclure…

L’accessibilité numérique est un enjeu de société et doit être l’affaire de tous. Pour que l’accessibilité numérique ne soit plus seulement qu’une affaire d’experts, et que chacun puisse s’approprier le sujet, il faut le rendre accessible. Il faut aussi communiquer sur ce qu’est l’accessibilité numérique et dédiaboliser ce « gros mot ». Faire qu’il ne soit plus considéré comme une contrainte en plus par les institutions et entreprises.

C’est l’enjeu que s’est donné Koena, démocratiser l’accessibilité numérique.

À bon entendeur. À vous les studios.


Texte : Rachel Blancafort
Illustration :

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